Geneviève Soly prend sa retraite des Idées heureuses après 36 saisons d’activités
La claveciniste, organiste et musicologue Geneviève Soly a pris sa retraite des Idées heureuses à la fin de la 36e saison 2022-2023 de l’organisme qu’elle avait fondé à l’aube de ses 30 ans. Elle en fut la directrice artistique, la directrice générale et la directrice musicale pendant plus de trois décennies.
Depuis sa fondation en 1987, Les Idées heureuses a produit plus de 150 programmes de concerts de musique baroque pour ses séries montréalaises annuelles, d’abord diffusées à l’église Erskine and American (qui deviendra la salle Bourgie), à la Salle Pierre-Mercure, puis à la chapelle Notre-Dame de Bon-Secours, à l’église Saint-Georges et, depuis son ouverture en 2011, à la Salle Bourgie du MBAM. Durant la première décade d’activités, une vingtaine de concerts furent produits, coproduits puis diffusés par Radio-Canada et la Canadian Broadcasting Corporation avant le changement de cap de la société d’État.
Les Idées heureuses a présenté au-delà de 300 concerts au Québec principalement (multiples tournées dans les Maisons de la culture), mais aussi ailleurs au Canada (tournée Jeunesses musicales du Canada), aux États-Unis, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suède, dans des festivals de musique ancienne prestigieux tels ceux d’Ambronay, de Pontoise, de Versailles, d’Utrecht et de Bruges.
Entre 2001 et 2012, un contrat d’artistes a lié Geneviève Soly et les Idées heureuses à Analekta ce qui donna lieu à la parution d’une quinzaine d’enregistrements de musique de Bach et de Graupner, tous primés.
Sous sa direction artistique et grâce à son infatigable énergie et créativité, Geneviève Soly a aussi programmé plusieurs événements ponctuels spéciaux, en dehors de la série régulière des Idées heureuses. On se rappellera plus particulièrement du Festival international de clavecin Bach (1997) — lauréat musique du Grand Prix du CACUM et Prix OPUS dans la catégorie Événement de l’année 1997 — ainsi que des deux éditions du Concours international de clavecin de Montréal (1997 et 1999). Geneviève Soly se voit également décerner le Prix OPUS de la Personnalité de l’année du CQM en 1997.
Geneviève Soly et Les Idées heureuses ont signé le Livre d’Or de la Ville de Montréal en 2010 en reconnaissance de leur travail sur le compositeur baroque allemand Christoph Graupner à la redécouverte duquel Geneviève Soly est intimement associée. La Presse l’avait nommée Personnalité de la Semaine le 2 avril 2006 pour la même raison.
FONDATION
En fondant Les Idées heureuses, Geneviève Soly a voulu offrir un espace musical exclusivement consacré à l’interprétation de la musique baroque «selon les critères historiques d’interprétation », une formulation savante signifiant simplement de rendre la musique des 17e et 18e siècles dépouillée des notions romantiques de l’interprétation telles qu’apprises dans les conservatoires, en revenant plus près du langage propre à ce répertoire, grâce à la multitude d’informations disponibles dans le grand nombre de traités et de préfaces des publications baroques. Grâce à la collaboration de sa collègue Natalie Michaud, directrice artistique adjointe des Idées heureuses entre 1990 à 2016, l’organisme présenta aussi du répertoire plus ancien, soit de l’époque de la Renaissance et médiévale.
Dans les années 1970, le courant de l’interprétation de la musique ancienne qui battait son plein en Europe s’était alors propagé à Montréal et la vitalité du milieu musical d’ici n’avait d’égal que l’effervescence et le talent des musicien·nes qui y réagissaient. Deux ensembles québécois se consacrant à ce répertoire avaient été fondés quelques années avant la création des Idées heureuses, le troisième en ancienneté au Québec : le SMAM, œuvrant principalement dans le domaine de la musique vocale, et l’ensemble ARION, exclusivement instrumental à l’époque.
Fascinée par ce répertoire depuis son tout jeune âge, Geneviève Soly avait fait partie du chœur du SMAM dès sa première année d’existence et avait chanté, à 17 ans, au tout premier concert donné par le SMAM qui présentait des madrigaux de Monteverdi dirigés par le regretté Christopher Jackson. Elle a donc été aux premières loges de ce mouvement dont elle a soutenu le rayonnement tout au long de sa carrière.
En fondant Les Idées heureuses, elle a aussi souhaité offrir au public la possibilité d’entendre une grande diversité d’œuvres dont regorgent les recueils publiés ou les manuscrits conservés de cette très riche époque de l’histoire de la musique. La recherche et les redécouvertes musicologiques et musicales ont donc fait dès le début partie intégrante de la mission des Idées heureuses. Très rapidement, l’originalité de la programmation des concerts de série a aussi été soulignée par la critique et le public.
La notion d’éducation du public est consubstantielle à la démarche artistique de Geneviève Soly. Dès le premier concert des Idées heureuses, présenté le 20 novembre 1987, elle bonifia l’interprétation de commentaires pour le grand public. La vulgarisation du répertoire baroque devint au fil des ans l’une de ses marques de commerce grâce à son aisance en communication, sa passion et sa profonde connaissance de la musique baroque.
Une de ses volontés premières avait également été d’offrir un lieu de travail exemplaire, inclusif, constructif et agréable aux musicien·nes — de plus en plus nombreux·ses — spécialisé·e·s dans ce répertoire.
Grâce à son flair artistique, tout en se tenant loin des modes et des idées reçues, elle engagea plusieurs jeunes artistes en tout début de carrière ou qui ne travaillaient pas encore sur la scène montréalaise. Ce fut le cas entre autres du chanteur Daniel Taylor, de la danseuse, chorégraphe et metteure en scène baroque Marie-Nathalie Lacoursière et de la violoncelliste Elinor Frey. Elle introduisit aussi des instruments qui n’avaient jamais été entendus à Montréal tels le chalumeau (clarinette ancienne), la triple harpe ou la guitare napolitaine baroque.
Elle s’intéressa au jeune public et créa quelques productions qui leur étaient spécifiquement destinées, dont le spectacle Dame-Nature (incluant poésie et danse), présenté pendant quelques années en collaboration avec la Maison de l’arbre, le Jardin botanique de Montréal, le Château Dufresne et le ministère de l’Éducation.
Ses ambitions de développement des disciplines artistiques baroques ont été largement réalisées grâce à sa détermination ; elles furent récompensées par une longévité remarquable. Geneviève Soly laisse l’organisme sous la direction de Dorothéa Ventura qu’elle a formée au clavecin dès son enfance et à qui elle avait offert son premier engagement professionnel comme claveciniste en 1996 (se référer au second communiqué joint).
DANSE BAROQUE
Geneviève Soly connaît et aime plusieurs autres formes artistiques, notamment la peinture et la danse. Incidemment, Les Idées heureuses est l’organisme québécois qui a le plus diffusé la danse baroque au Québec grâce à son association, dès 1994, avec Marie-Nathalie Lacoursière.
Les Idées heureuses a, depuis lors, présenté près de 50 concerts et spectacles incluant de la danse baroque française. L’ensemble a aussi invité une dizaine de danseurs spécialisés en danse baroque dans sa série montréalaise. En février 2001, dans le cadre du festival Montréal en Lumières, Les Idées heureuses présentait Voyage en Europe avec la troupe de danse baroque L’Éventail de France, sous la direction artistique de la réputée danseuse et chorégraphe Marie-Geneviève Massé, l’un des piliers de cet art récemment réintroduit dans le courant de redécouverte du répertoire baroque. Ce spectacle faisait salle comble deux soirées consécutives à la salle Pierre-Mercure.
Subventionné par le Conseil des arts de Montréal, Les Idées heureuses a aussi produit ses propres spectacles dans les dizaines de Maisons de la culture : La Danse sous Louis XIV et Musique et danse en Nouvelle-France — mis en scène par Marie-Nathalie Lacoursière avec des commentaires historiques de Geneviève Soly sur l’origine de la danse classique. Ce dernier spectacle fut aussi présenté au Canada, aux États-Unis et en Europe entre 2002 et 2006.
LE PROJET GRAUPNER (1683 – 1760)
Artistiquement, Geneviève Soly s’est particulièrement démarquée à partir de l’année 2000 par sa redécouverte de la musique de Christoph Graupner — ce maître Allemand tombé dans l’oubli à cause des vicissitudes de l’histoire — de laquelle découla une centaine de concerts qu’elle donna comme soliste et avec l’ensemble des Idées heureuses dans le cadre de plusieurs tournées européennes et dans la série régulière des Idées heureuses.
En 2010, pour souligner le 250e anniversaire de la mort de Graupner, Geneviève Soly réalisa, soutenue par Les Idées heureuses, 25 activités en Europe et au Québec : concerts, cours, conférences et émissions radiophoniques. Soulignons Le magazine de France Musique, alors qu’elle était l’invitée de Lionel Esparza en direct de la Maison de Radio France, le jour même de l’anniversaire de la mort de Graupner (10 mai). Elle eut l’occasion de s’entretenir de Graupner pendant plusieurs heures sur les ondes belges des émissions sur Musiq 3-RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) dans les jours qui suivirent. Ici, Espace-Musique consacra deux émissions à Graupner en juin 2010, animées par Alain Lefèvre. Mentionnons également sa conférence La Vie et l’œuvre de C. Graupner présentée en mai 2010 à La Sorbonne – Maison de la Recherche de Paris IV.
Cette redécouverte d’importance lui valut également l’enregistrement d’une douzaine de disques de musique de Graupner chez Analekta, au clavecin et à la direction de l’ensemble des Idées heureuses. Soulignons l’exceptionnel travail de recréation mondiale des Sept Paroles du Christ (sept cantates ; 1743). Ce corpus discographique d’importance consacré à la musique de Graupner a reçu un accueil remarquable et unanime qui a valu à la musicienne et à l’ensemble une vingtaine de mentions, prix et nominations (10/10 : Répertoire, Classics Today France et USA ; 5 étoiles : BBC Magazine, Sound Advice CBC et BBC Magazine ; Événement disque du mois : Répertoire, Classics Today et BBC Magazine ; Disque de la semaine : New-York Times à deux reprises et Classical Radio San Francisco ; Prix de la critique du disque allemand ; nominations JUNO, ADISQ et OPUS). L’éloquent dossier de presse Graupner est disponible sur demande. Depuis 2019, Geneviève Soly est membre honoraire de la Société Christoph Graupner (Christoph Graupner Gesselschaft) fondée en 2003 à Darmstadt, (Allemagne), ville ou Graupner œuvra de 1709 à sa mort en 1760.
PATRIMOINE MUSICAL DE LA NOUVELLE-FRANCE
Depuis une quinzaine d’années, grâce à son goût marqué de l’histoire, Geneviève Soly a exploré le patrimoine musical de la Nouvelle-France en étudiant des fonds d’archives musicaux de plusieurs communautés religieuses, principalement féminines, de Québec et de Montréal, de même que le manuscrit d’Odanak (mission abénaquise). Plusieurs concerts commentés en ont découlé, bâtis autour de figures historiques telles Marie de l’Incarnation, Catherine de Saint-Augustin, Marguerite Bourgeoys, Jeanne Mance, Marguerite d’Youville, Jean Girard, François Vachon de Belmont et le Sieur de Maisonneuve. Des recréations musicales de messes en plain-chant avec serpent (instrument typique en Nouvelle-France) et des musiques européennes translittérées en langues autochtones ont été entendues lors des traditionnels Concerts de la Passion des Idées heureuses, établis en 2005.
ACTIVITÉS FUTURES
Geneviève Soly apparaîtra dorénavant à l’occasion comme soliste dans certains concerts des Idées heureuses et continuera à diriger pendant quelques années encore le traditionnel Concert de la Passion, maintenant consacré à la musique de Graupner. Elle se consacrera par ailleurs à ses projets personnels d’interprète soliste, à l’écriture de divers articles musicologiques, à des cours et à des conférences.